"Rugby en capitale" de J.L. Galharet-Borde (paru en juillet 2005)

Publié le 20 Novembre 2005

[extrait, pages 144, 145 et 146]

Olivier SARRAMEA

 

Né le 20 Octobre 1975 à Tarbes

1m93, 105 kg

Entré au club en juillet 2004

Trois-quarts

Vit avec Emmanuelle ; un enfant

 

 

             Une silhouette haute et furtive, un regard en voyage dans son monde intérieur. A la sortie des vestiaires de Jean Bouin, Olivier paraît presque surpris de rencontrer tous ces supporters qui, ce soir-là, attendent les joueurs. Des rugbymen en herbe rase –le plus grand lui arrive à la taille- forment autour de lui une mêlée compacte pour obtenir son autographe. « C’est lui ! Comme il est beau ! » s’exclament des filles en âge d’être amoureuses, brandissant un calendrier bien connu au-dessus de la tête des gamins pour, elles aussi, le soumettre à signature.

 

            Quelques supporters plus sages sont restés à l’écart. Que pensent-ils de la nouvelle recrue du Stade Français ? Je les interroge. Trop heureux de décliner leur culture rugbystique, ils chargent avec enthousiasme : « Olivier ? Max a bien fait de le recruter ! Il a l’expérience, le palmarès ! Il a même joué en Equipe de France. Il est polyvalent aussi : à Castres, il jouait centre, ailier ou arrière. Il a l’air à l’aise chez nous. Il est fort, rapide, il va encore progresser ! » Bienvenue, Olivier…

            Hé oui ! A Paris également, on s’y connaît en rugby. Notre nouveau trois-quarts le confirme : il a signé au Stade Français pour progresser encore. Il sait trop bien qu’à ce niveau, celui qui stagne est condamné à reculer. Le rugby évolue si rapidement… Quant à lui, le travail ne lui fait pas peur. A 29 ans, en pleine possession de ses moyens, il se sent bien, au centre de l’attaque parisienne, où il est devenu un élément indispensable, inscrit déjà dans la légende du Stade. Qui, entre autres exploits, pourrait oublier son superbe essai ouvrant au fameux point de bonus, marqué à Jean Bouin en Coupe d’Europe, contre Cardiff ?

 

            Olivier a peut-être trouvé à Paris le brin de confiance qui lui manquait encore pour pouvoir se transcender. Ecoutons-le : « C’est vrai, je suis plutôt réservé et je ne vais pas spontanément à la rencontre de mes semblables. Je préfère les accueillir. Même si je parais un peu secret, j’aime beaucoup échanger des idées, des émotions. Tu vois, je n’aurais jamais pu pratiquer un sport tel que le tennis. Pour être heureux, il me faut la chaleur du groupe, la présence, la confiance des amis, tout ce qui m’est donné ici, où l’ambiance est vraiment sympa… Je pense que le fait de se sentir perdus à Paris, anonymes parmi des millions d’êtres, nous contraint à resserrer nos liens. Tu veux savoir ce qui me manque le plus ici ? Mes montagnes, mes chères montagnes que je saluais, le matin, en ouvrant mes volets ; les odeurs de la nature aussi… »

 

            Olivier peut voyager. Ses Pyrénées, ses proches et Trie-sur-Baïse, son premier club, seront toujours dans son cœur. C’est là-bas, du temps où il était junior, qu’il a touché du bois, non par superstition, mais parce qu’il le méritait bien, ce titre. « Le Bouclier, poursuit-il, me fait rêver depuis mon enfance. Tu comprends, il était là bien avant la Coupe d’Europe ! »

 

            Il parle encore, en homme vrai, de ces bons moments qu’il faut honorer pour oublier les hématomes dont l’existence frappe parfois nos âmes. Il prononce le mot bonheur, et son regard s’éclaire. Jusque là, sur son cœur, il n’y avait place que pour sa compagne, et ce curieux instrument de travail de forme ovoïde. Maintenant il y a aussi Léna, tendre petite fille aux nuits sereines. Ravi, il se confie : « C’est de l’amour, bien sûr, mais aussi comme un apaisement pour moi. Grâce à elle, j’ai changé de statut. J’étais fils, elle a fait de moi un père. Elle assurera notre suite, c’est important. Ce que nous souhaitons pour elle ? Qu’elle soit heureuse avant tout ; qu’elle apprenne à respecter tous ceux qu’elle rencontrera. Nous-mêmes, ses parents, nous respecterons ses choix : qu’elle fasse ce qu’elle aura envie de faire… »

 

            Les vivats des spectateurs ne suffisent donc pas à enchanter la vie d’un joueur de rugby. Ceux de Trie-sur-Baïse savent où ils vont parce qu’ils savent d’où ils viennent. Evoquant ces joies simples et tranquilles, Olivier paraît en vérité fort éloigné de cette pose altière qu’il tient sur papier glacé, chez votre libraire… « Le calendrier ? Je n’avais, on s’en doute, jamais été photographié dans cette tenue ! C’est donc un défi que je me suis lancé, après concertation avec ma compagne. On oublie trop souvent, je tiens à le dire, que ce calendrier est avant tout une œuvre caritative. Les fonds produits par sa vente, cette année, seront versés à une fondation visant à réinsérer des jeunes en difficulté par le truchement du sport. » 

 

            Ainsi, les jeunes filles peuvent rêver mais pas trop. Le jeune Poséidon de la plage au soleil n’est qu’un homme, mais un homme sensible et accompli, dédaignant le nectar et l’ambroisie pour l’eau claire de ses montagnes, les nuées pour un carré de verdure, Aphrodite ou Calypso pour Emmanuelle et Léna. 

 

            La question du profane, posée par Rose-Marie :

            Que dire aux mamans qui prétendent que le rugby est un sport brutal ?

            Réponse d’Olivier : 

 

            En tant qu’éducateur, j’ai plaisir à répondre à la question de Rose-Marie. Je crois qu’on se fait une fausse idée de notre jeu. A la télévision, on ne voit que des professionnels, préparés à encaisser des assauts très rudes, amplifiés encore par le ralenti. Je conseille donc à tous les parents d’aller assister à une séance d’entraînement animée par un bon éducateur (ils sont nombreux dans ce pays). Ils découvriront que les élèves y apprennent à maîtriser leur force, à respecter partenaires et adversaires, à vivre en groupe. Ce rugby là n’est pas plus dangereux que le football ! La récompense que j’ai reçue de ma mission d’éducateur, c’est de voir tout le plaisir pris par ces enfants. Il ne faut pas les en priver ! »

Rédigé par Zoub

Publié dans #Interviews

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